Il y a des jours comme ça… On se lève au petit matin un dimanche de brocante. On prend son café, sa clope et on va voir le temps qu'il fait. Ciel gris et pluie. Pas de bol, il fait aussi mauvais dehors qu'en moi. Il y a de jours comme ça…
Et puis, sur le coup des dix heures, il ne pleut plus. Pas question aujourd'hui de se lancer dans un long périple de plusieurs dizaines de kilomètres pour se retrouver Gros-Jean comme devant (oui, j'ai relu tous les Tintin dernièrement !), il y a un petit vide-greniers à quelques minutes, ça fera très bien l'affaire. De toute façon, c'est assurément une journée de merde alors…
Et nous voilà arrivant sur le vide-greniers. Le vrai vide-greniers, pas un exposant pro ou semi-pro. Quelques exposants épars entre les flaques d'eau. Quelques bacs, de ceux qui nous font regretter de ne pas collectionner les disques de Tino Rossi ou d'Aimable. Il y a des jours comme ça…
Bref, en à peine 30 minutes, c'était plié. Le ciel continuait de s'éclaircir (je parle de l'extérieur) quand mon père me dit que deux voitures d'exposants viennent d'arriver pour s'installer. Si vous suivez bien, il est maintenant 10h30 bien tassées ! Visiblement, c'est une grand-mère avec ses filles et petites-filles. Elles commencent à vider le coffre et sortir les jouets, les fringues, bref rien de passionnant. Mais il y a un carton avec quelques galettes sur la plage arrière d'une des voitures (non non, ce n'est pas une R14 !). Je me mets donc à attendre que le carton soit sorti ; je ne suis pas du style à aller fouiller dans les coffres de voiture comme certains font… Nous sommes 4/5 devant le stand à attendre que le déballage soit terminé. Personne de "dangereux" à priori. Deux brocanteurs que je connais et qui ne s'intéressent pas aux galettes. Et deux types que je ne connais pas. L'un deux a un gros sac en plastique. Discrètement, je jette un œil : que de la ferraille à l'intérieur. Toujours pas de danger. L'envie de partir commence à se faire sentir, le déballage n'avance pas vite ! Il y a des jours comme ça…
Et puis un autre gars arrive et commence à discuter avec le type au sac plastique : « Qu'est-ce que tu attends ? ». « Ben je veux voir les disques ». Là il y a danger. Je m'empresse d'aborder la grand-mère (c'est sa voiture) et lui demande inocemment (c'est inné le côté innocent chez moi !) si elle a des disques. « Ah oui mais ce ne sont que des vieux disques de jazz, pas sûr que ça vous intéresse. Je vous les amène. » Finalement, elle décide de les poser à l'autre bout de la table et je dois me ruer pour ne pas me faire griller la politesse par le sac plastique accompagné du gars à sa poignée ! Il y a des jours comme ça…
Je pose les deux mains sur le petit carton (rapide estimation entre 30 et 40 galettes à plat) et demande le prix : « C'est 2€50. Euh non, 2€ ». Je n'ai toujours pas jeté un œil dans le carton. Juste sur le premier disque totalement inintéressant. C'est bon, je peux commencer à regarder ça tranquille. Enfin, tranquille façon de parler. Autour de moi, on commence à avoir sérieusement des vélléités. Je soulève le premier disque puis met le deuxième de côté, puis le troisième, puis le quatrième, puis le cinquième. J'ai les jambes qui flageollent et peinent à me tenir. Mon père et mon fils qui ne sont pas loin commencent à se demander ce qui m'arrive. J'ai le palpitant qui s'emballe. Une montée d'adrénaline pure ! Le sixième est de côté, puis le septième, le huitième, etc. Il n'y a rien à jeter ou presque. Mieux, il y a de véritables perles ! Quand il y en a une quinzaine sur le côté, un type commence à les regarder (le sac plastique avait compris et était reparti, dépité). « Excusez-moi mais je les prends. » « Ah bon, c'est ceux que vous prenez ? », me répondit-il l'air encore plus dépité que l'autre. Quand j'en ai fini avec le carton, il y a un gros tas de galettes dehors et 7 dedans.
On attaque la deuxième phase. Je laisse les restes aux moins chanceux qui se rendent bien vite compte qu'il n'y a plus rien à se mettre sous la dent. Je commence l'inspection et le comptage des vinyles. L'inspection, ça va être vite fait. Ce sont les disques du cousin de la grand-mère. Il était musicien de jazz. Ils sont nickels. Je vérifie juste que le bon disque correspond bien à la bonne pochette, je ne regarde même pas l'état ; pas besoin. Fin du comptage : 28 galettes. Rapide petit marchandage (l'adrénaline est un peu retombée !) : 50 euros le lot. Je sais qu'il y a de l'anodin dedans. Je sais aussi qu'il y a un paquet de trucs que je n'avais jamais vus en brocante. Que je ne connaissais même pas. Mais le cousin avait un goût sûr, je pouvais lui faire entièrement confiance ! Et puis, il suffisait de retourner les pochettes pour voir le personnel présent sur les enregistrements !
C'était LE bac. Celui qu'on ne rencontre que toutes les X années (assurément mon meilleur en plus de vingt ans de chine) ou qu'une fois voire jamais. Même si je me suis toujours plus intéressé à la musique et à l'objet qu'à la valeur de la galette, je sais que j'ai fait une grosse affaire. Première estimation dans la tête en retournant à la voiture : j'annonce à mes parents qu'il y en a facilement pour 500€. Arrivée à la maison, deuxième estimation avec l'aide d'Internet. Je choisis plutôt les estimations basses et je dépasse les 1 000€ sans problème.
Le soleil était un peu revenu, dehors et dedans, l'espace d'un bac fabuleux. Une éclaircie dans une journée de merde. Il y a des jours comme ça…
Allez, place à la présentation !
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