Reprenons au début avec The Nerves.

Né à Los Angeles en 1975, ce trio magique de songwriters surdoués n'a duré que le temps d'enregistrer un EP auto-produit et d'une tournée aux USA qui ont laissé une empreinte indélébile.




Sorti en 1976, distribué par BOMP! (alors à ses débuts) en 20.000 exemplaires quand même, ce disque aligne quatre merveilles qui font croire que les Beatles se sont réincarnés dans ces trois agités mal sevrés. Evidence des mélodies, génie des arrangements, le tout avec une hargne qu'on appellera plus tard Power Pop. Un son clair, sec, sans fioritures, légèrement distordu. Bref, le classiscisme instantané.
Quiconque écoute ce disque ne peut que s'esbaudir d'avoir trouvé un nouveau gang de génies à inscrire à son panthéon et à chérir au fond de son coeur.

Malheureusement, atteint par la folie des grandeurs après que Blondie ait fait un carton avec son Hanging On The Telephone, leur guitariste Jack Lee quite le navire. Gonflé à bloc, il s'en va enregistrer son premier album solo, modestement intitulé Greatest Hits Vol. 1 (on y reviendra).

Pas (trop) découragés, les deux autres recrutent un nouveau guitariste (Harlan Hollander), le temps d'enregistrer Walking Out On Love, autre classique Power Pop que BOMP! sortira en single sous le seul nom de Paul Collins. Il clôture le disque des Breakaways.



Après son départ (décidément), ils recrutent deux nouveaux guitaristes (un lead et un rythmique, c'est plus sûr) et forment les Breakaways. Cinq démos et quelques concerts au Whiskey A Go-Go plus tard, retour à la case départ. Ce line-up nous laisse House On the Hill, Little Suzy, Radio Station, Working Too Hard (reprise des Nerves), et Everyday Things.

Changement de tactique : Paul Collins et Peter Case passent aux guitares et recrutent le batteur Michael Ruiz et le bassiste Steven Huff. Ce sera la section rythmique de The Beat, le groupe de Paul Collins après le départ de Peter Case. Et oui... Le groupe est un peu bancal : deux guitaristes-chanteurs-compositeurs mais pas de vrai lead (on entend un "solo" pitoyable sur Things Of The Past).
Encore six démos (la Thing Of The Past déjà citée, Do You Want To Love Me?, I Don't Ft In, Will You Come Through?, USA, Let Me Into Your Life), et Peter Case s'en va fonder les Plimsouls. D'ailleurs, ces démos sont un peu hétérogènes : pendant que Paul Collins resserre les riffs et peaufine la simplicité efficace des arrangements (I Don't Fit In), Peter Case parie davantage sur le lyrismes des cavalcades de guitares (Will You Come Through?). Toutes qualités qu'on ré-entendra séparément dans leurs groupes respectifs.

On est en 1979, le point définitivement final des Nerves. Et le premier LP The Beat ne va tarder à sortir (on y reviendra).

Il faut attendre 1986 pour entendre de nouvelles chansons des Nerves, et elle viennent de France !



Le label Offence sort une compilation du premier EP, plus quelques démos et enregistrements live. On y découvre les bombes Paper Dolls et One Way Ticket, et d'autres compositions de Jack Lee plus proches du premier EP par leur classiscisme pop (Are You Famous?, Stand Back And Take A Good Look et Letter to G.).
J'ai entendu ce disque à l'époque, à la médiathèque de Beaubourg, et ça m'a d'autant plus traumatisé qu'il m'a fallu près de dix ans à faire systématiquement la lettre "N" chez tous les disquaires avant de le trouver enfin, réédité chez Revenge.



Le label français (et oui, encore !) Revenge est le suivant à sortir les Nerves, et regroupe sur un CD la compilation Offence, le premier Jack Lee, et le premier EP Zero Hour des Plimsouls sorti lui aussi chez BOMP!

Et puis plus rien jusqu'en 2008, quand le label Alive Naturalsound retrouve toutes ces pistes oubliées, et sort une nouvelle compilation, en CD et Vinyl.



Sauf "miracle au vide-grenier", c'est le seul disque des Nerves facilement disponible aujourd'hui, et il faut se précipiter dessus tant qu'il en reste.
En plus, tout y est : le premier EP, bien sûr (même si les chansons sont dans le désordre, drôle de choix), toutes les chansons de la compilation Offence (certaines dans d'autres versions live), et des inédites : Many Roads To Follow (home tape, attribuée aux Breakaways), Why Am I Lonely?, You Won't Be Happy (elle déchire), I Need Your Love (elle déchire aussi). Et aussi la postérité : le Walking Out Of Love des Breakaways, Thing Of The Past par les Plimsouls (et là, Eddie Munoz joue une vraie lead) et It's Hot Outside du premier Jack Lee. Et encore Come Back And Stay jouée par les Nerves, comme quoi Jack Lee l'avait écrite très tôt.

Alive a aussi sorti un live (ah-ah-ah) :



500 copies uniquement en Vinyl rose, avec peu ou prou les mêmes chansons : disons que l'intérêt musical doit être à la hauteur du tirage. Si j'en crois la qualité sonore des enregistrements live de la compilation précédente.


Occupons-nous maintenant de la postérité immédiate des Nerves.

Jack Lee



Le son du premier Jack Lee est moins intéressant, plus affadi, mais reste pur. Il y reprend ses compositions de l'époque des Nerves (Give Me Some Time, Any Day Now, Stand Back And Take A Good Look, Hangin' On The Telephone, Paper Dolls) dans des versions moins brutes mais pas désagréables. Et crée Come Back And Stay, qui fera un tube pour Paul Young.
Par contre, ce que j'ai entendu du second (trois titres en "bonus" sur la compilation That's Totally Pop) est plus pop synthétique 80's américaine, de bonne facture mais bon... Notons encore par chauvinisme que ce disque n'est sorti qu'en France, chez Lolita.

The Beat (ou Paul Collins Beat)



Leur premier disque est sorti chez CBS, carrément. Lesquels ont fait les choses proprement en confiant les manettes à Bruce Botnick, l'homme qui a enregistré pour Elektra tous les albums des Doors, quelques Love (dont Forever Changes) et le premier MC5 (live !) Kick Out The Jams.
Du coup, le disque a un son impec, et le track listing ne surprendra pas ceux qui ont lu en détail les noms des chansons jusqu'ici (on y retrouve I Don’t Fit In, You Won’t Be Happy, Walking Out On Love, U.S.A., Let Me Into Your Life et Working Too Hard). Sauf qu'à l'époque de sa sortie (1979), c'est la première fois qu'on pouvait entendre ces merveilles, et c'était la claque.
Les nouvelles chansons sont très bien, elles aussi (notamment Rock and Roll Girl, Don’t Wait Up For Me, Look But Don’t Touch qui ne dépayseront pas les fans des Nerves), jusqu'à la très osée mid-tempo au piano You and I, dont le seul défaut est de ne pas être placée en toute fin du disque.
C'est un classique Power Pop, un des seuls qui tiennent la distance tout le long d'un LP.

Le second effort (The Kids Are The Same) est bien aussi, avec moins de fraicheur quand même, mais le troisième (EP To Beat Or Not To Beat) est très décevant, envahi de synthé.

The Plimsouls

Le premier EP 5 titres Zero Hour est impeccable.
En plus, Mr Case est le seul des trois qui n'en profite pas pour refourguer à son nouveau groupe ses anciennes chansons des Nerves. Il les remplace par des nouvelles, toutes terribles (Zero Hour, Hypnotized, et une première mouture de How Long Will It Take?), et par une reprise du I Can't Turn You Loose d'Otis à laquelle ils mettent le feu, un grand moment.



Leur premier LP éponyme, sorti chez Planet, est exemplaire de bout en bout. Le son est merveilleux, le lyrisme des chansons contre-balancé par une sécheresse et une rigueur qui leur conservent leur dignité, dans un genre qui risque vite d'être sur-produit. Lost Time qui ouvre les hostilités bénéficie d'un solo fabuleux, du genre qui vous pose un nouveau guitar hero. On y retrouve Zero Hour et Everyday Things (des Breakaways, donc, faut suivre), mais aussi une reprise dépoitraillée de Dizzy Miss Lizzy. Et des rock'n'roll straight (I Want You Back, Mini-skirt Minnie...). Que du bon.

Enfin, Everwhere At Once contient de belles chansons (dont l'impérissable A Million Miles Away, et encore How Long Will It Take !) malheureusement massacrées par une production en dessous de tout. Pas merci à Geffen et son terrifiant Jeff Eyrich, l'homme qui écrase la dynamique des guitares sous des tonnes d'effets tellement pourris qu'ils doivent être numériques. Pour ceux que ça intéresse, il est aussi responsable du son de Las Vegas Story, le disque du Gun Club dont le son est le moins bon.

Et puis, cocorico !



Les Dogs ont été les premiers à nous faire entendre One Way Ticket sur leur live Shout! de 1985. C'est le manager des Plimsouls qui leur avait fait entendre la démo. Mais l'histoire ne dit pas laquelle : l'électrique des Nerves ou l'accoustique des Breakaways ?

Bon, et alors, le Breakaways, faut l'acheter ?

On va dire que c'est indispensable pour les fans, mais les gens normaux peuvent se contenter de la compilation Nerves chez Alive Naturalsound et du premier Paul Collins Beat. Le EP 5 titres et le premier LP des Plimsouls sont aussi indispensables, mais ce n'est déjà plus la même musique.

Il y a quand même cinq vrais inédits : Radio Station, Will You Come Through? et House On The Hill de Peter Case ; Little Suzy, et Do You Want To Love Me? de Paul Collins. Dont quatre perles, et une autre trop mal jouée quand même pour produire ses effets.
Et aussi des versions brutes de décoffrage de chansons fabuleuses, pas faciles à trouver. Et puis One Way Ticket en home tape à deux voix et guitares sèches, on a l'impression d'y être le jour où ils l'ont écrite, on en pleurerait.
Et puis, sur les photos, ils sont jeunes et tellement beaux...

J'ai dit que le son de tous ces enregistrements Nerves et Breakaways est souvent limite ? Et que la merveilleuse Walking Out On Love faisait 1'35 ?
Comme ça, c'est dit, vous êtes prévenus, on ne pourra pas me traiter d'escroc.