Chouette pochette : des carricatures de l'ingé-son par le guitariste rythmique (Chris Dreja, l'homme qui a vu passer Clapton, Beck et Page à ses côtés), un texte humoristique du batteur. J'aime surtout : "il a souvent été dit que Jeff Beck est un des meilleurs guitaristes du pays, et je suis plutôt d'accord avec lui".



Un terrible riff de basse lance Lost Women, puis la guitare arrive au refrain comme dans un rêve. Saturation, hargne. Tout le long, la basse varie ses effets, les solos (1 par canal) orchestrent une montée qui semble se résoudre dans la reprise du riff d'intro par une troisième guitare, avant de reprendre leur ascension. Tout plein de rythmes et d'ambiance différents en à peine plus de trois minutes. Epoustouflant. Over, Under, Sideways, Down reprend le même principe sur un rythme plus shuffle, avec plein de petits riffs de guitare et d'harmonica.

Nazz Are Blue est un blues rapide emmené par un Beck en grande forme. A partir du second couplet, la guitare enchaîne des licks de soutien. Le premier solo est sobre, jouant plus sur de longues notes en distortion / feedback ; le second plus classiquement rapide.

I Can't Make Your Way ramène à la face "chansons pop" des Yardbirds : très sixties bètes (la partie vocale, le tambourin), sauf pour les paroles. Et au fond, la lead continue ses délires, parfois soutenue par de brêves soufflées d'harmonica.

Encore un blues rapide, Rack My Mind, avec cette fois les instruments tout en retenue pendant les couplets. La guitare rentre au second et envoie une cascade d'harmoniques et glissando en soutien de la voix. Pendant le solo, la rythmique est en tremolo acentué pour renforcer les circonvolutions de la lead. Retour au calme pour le couplet, et aux interventions multiples de la guitare. Les plans s'enchaînent, ne se ressemblent pas. Qui a dit que c'est chiant le blues ? En tous cas, on n'a pas le temps de s'ennuyer ici.

Piano pour la jolie chansonnette mélancolique Farewell : on se calme pour finir la première face. Ces jeunes gens font des choeurs presque aériens.



La seconde face débute par Hot House of Omagararshid, avec son intro façon Monty Python et des choeurs idem ya ya ya, ya ya-ya tout au long de cet instrumental orientaliste hindouisant. Contrairement aux autres chansons du genre (Within You Without You, I Will Fall) qui viendront après, on n'a pas le temps de s'ennuyer. La différence : une putain de basse rebondissante qui propulse le machin et enlève le morceau. Bientôt rejointe par la guitare qui commence rythmique avant de se faire plus variée et virevoltante, encore dans l'invention perpétuelle.

Jeff's Boogie, c'est la démo du chef. Là c'est certain, il n'y a pas deux plans identiques de tout le morceau. Prenez une ritournelle de guitare jazzy et tournez la dans tous les sens. Faites-lui tout subir : des harmoniques, des montées / descentes de manche virtuoses ou étouffées, un petit growl menaçant dans le son de temps en temps, et tout ça en très peu de temps. Tu me fais tourner la tête, mon manège... infernal à 6 cordes.

Encore une chanson très pop sixties avec He's Always There. Trop compliquée dans la construction, pas très réussie. Temps faible du disque. Puis une nouvelle chansons orientalisante Turn into Earth : là, on se croirait dans le psychédélisme béat américain post-woodstock. Mais derrière, ça emmène : rythmique shuffle et un solo saturé un peu loin dans le mix. Avec un petit côté lancinant pas désagréable.

C'est reparti avec What Do You Want : basse au son très agressif, la guitare qui déboule avec un son lourd de menace, et tourne autour du pot pendant les premiers couplets. Break ! L'orage va crever ? Pas encore, Keith Relf reprend un couplet avec les rrrrrrhhhh lourds de guitare qui l'encerclent. Break ! Là ? Et non. Ils font le coup deux ou trois fois, avant que Jeff déchaine enfin ses feedbacks pour terminer la chanson avec un court solo.

Nouvelle chanson orientaliste avec Ever Since the World Began ? Déjà, les choeurs chantent "Money !", le genre d'humour de Zappa plus tard (We're Only In It For The Money). Ce n'était qu'une intro : rhythm & blues, basse rebondissante, les choeurs se font répétitifs et placent Keith Relf en orbite de soul man. Hein ? Pas de guitare sur la dernière chanson ? On remet la première face ?

Il faut préférer ce disque pour écouter Jeff Beck. Dans ses disques suivants, trop de place est classiquement laissée à sa guitare. Elle est plus marquante au service des chansons des Yardbirds, même s'il s'y est vite senti à l'étroit.