Revenons aux Animals
Sur la photo, nos cinq gugusses sont déguisés en vagues soldats, assis sur une voix ferrée, en sepia. Histoire de rappeler comment elle était venue en Europe, "toute la musique qu'ils aiment" ? Ou alors, c'est juste con-con, façon idées débiles des pochettes de l'époque mais sans atteindre le niveau de Pet Sounds, quand même.

Et dedans, la musique :
Eric Burdon est le seul chanteur anglais capable de rivaliser avec Ray Charles. Du coup, il ne se prive pas, avec une reprise de Hallelujah I Love Her So. Pas de tentative de détournement façon "chant alternatif" pour faire l'intéressant et masquer qu'on n'a pas la voix. Non, non, pas de ça ici. On se la prend de front, au premier degré, on va montrer qu'on peut pousser une voix soul comme le maître, et ça passe. Tiens : essaie donc chez toi sur ton GarageBand ou au karaoke du coin, et reviens m'en parler.

Les Animals, c'est aussi une rythmique d'enfer : précise, simple et efficace. La plupart des basses sont doublées par la guitare rythmique qui refait les mélodies note à note sur les trois grosses cordes, parfois quelques riffs de base. Et ça met la patate. Bon, c'est un peu con, le guitariste ne sait pas faire autre chose. On n'est pas chez Mayall ici, avec des Clapton, Green ou autres...

Alan Price, lui, joue autant de l'orgue (comme sur House Of The Rising Sun, donc) que du piano. Comme il est juste honorable au piano, il n'a pas d'autre choix que d'assurer son accompagnement bien dans le rythme et la précision. Cela renforce le côté vraiment blues intégriste de ce disque.

Les notes de pochette de Mickie Most mentionnent leur évolution vers un style plus ambitieux, presque jazz. Bof. Disons que ça a dû paraître classieux aux nazes du marketing Columbia anglais de l'époque.

J'ai dit que c'était un an avant que Alan Price (viré entretemps) apparaisse dans Don't Look Back en pianotant deux/trois trucs d'un air désabusé, dans une loge où Dylan martyrise le pov' apprenti journaliste d'un canard étudiant ? Et que c'était deux ans avant que Chas Chandler (le bassiste) devienne le manager de Hendrix et le ramène en Angleterre ?
Maintenant, c'est fait.

Et comme autres chansons ?
Le disque s'ouvre sur Mess Around (d'Ahmet Ertegun, le fondateur d'Atlantic), avec un joli rythme soutenu pour lancer les hostilités.
Y a aussi une pépite sous-estimée de Chuck Berry (elle n'a pas eu droit à un riff qui tue, la pauvrette) : How You've Changed.
Et un Roadrunner où la guitare n'arrive pas à la cheville de l'original (le regretté Bo Diddley). Mais c'est pas donné à tout le monde non plus.

Alors voilà, c'est pas du génie, on fait dans l'honnête Monsieur. Y a du goût (le track listing), du son, une voix. On n'ira pas au firmament, Monsieur, on aura quand même eu notre heure de gloire, mais on sera restés fidèles au belouwze et c'est ça qui compte.