Si, si, il s'appelle comme ça. D'ailleurs c'est écrit en gros et ça tient lieu de Front Cover.
Au dos, ledit tire la tronche avec en surimp une joyeuse bande de sessionmen Chess, au milieu desquels traine un improbable croisement moustachu de Cheech & Chong avec un Crosby mal réveillé.

Côté musique, ça commence avec Spoonful, three minutes and forty-eight seconds et c'est du délire.

On dirait qu'un gros malin a fait la mauvaise blague de mettre des acides dans les bières (ou les whiskies). Le batteur fait des roulements à tout bout de champ. Le guitariste abuse des effets spaced out (fuzz, wha wha...). D'autres font des p'tits gimmicks avec divers bouts d'instruments. Seul le bassiste assure straight (devait être trop plein de tout depuis trop longtemps pour que ça lui fasse de l'effet).

On est en 1968. Howlin' Wolf a 58 ans.
Mais qui donc chez Chess a décidé de lui faire ré-enregistrer ses standards sur un mélange mou bizarroïde de Sly & Family Stone avec des restes basiquement blues, plus un sous-Hendrix ?



Le second Tail Dragger, four minutes and twenty seconds est introduit par le maître qui se plaint de ne pas l'aimer : "ça a un son de tarlouze [queer sound], toutes ces guitares électriques ont un son de tarlouze... tu woua c'que j'veux dire" (ou quelquechose d'approchant). T'as raison, pépère, c'est vendeur !

Et après, c'est tout à l'avenant.
Le délire du fond musical continue, et Papi ("dire que ces empaffés pensent relancer ma carrière en me faisant enregistrer avec une bande de négros fous sous acide") ne se démonte pas. Il lâche tout ce qu'il sait faire. La grosse voix basse éraillée, plus les waheeeeeeee en falsetto à grain.
[Note technique : le "falsetto à grain", c'est quand la grosse voix de Howlin' Wolf imite les couinements longs aigus de Muddy Waters.]

Tiens ! Le guitariste a branché son chorus en mode tous les potards à fond, ça part grave.
Mon Dieu ! C'est Smokestack Lightning, five minutes and fifty-four seconds. S'il entend ça, John Lee Hooker va venir mettre des pains.
Ailleurs, ils font The Red Rooster, three minutes and forty-eight seconds et Back Door Man, six minutes and seventeen seconds. S'ils déboulent à deux avec Willie Dixon, pas un n'en sortira vivant.

Ledit Back Door Man est également introduit par le maître, qui explique doctement que personne n'aime le blues et qu'ils ont tort (etc), "et maintenant, assied-toi et regarde moi."

Voilà.
Je précise ma pensée : ce disque vaut Astral Weeks dans le genre y en a pas deux comme ça, qu'est-ce qui leur a donc pris, et en plus c'est beau à chialer.
Un météore.

Bon.
En plus, y a rien qui indique que ce n'est pas le pressage original US.
Je pourrais vous le faire à 400 euros (malgré la tâche de gras au dos de pochette), mais je veux le garder. Comme je suis bon gars, si vous insistez, je vous en numériserait un bout, grattouillis des sillons compris.