Peche miraculeuse chez un particulier

[disch007]

Il arrive parfois, que porté par l'enthousiasme d'un bon week-end, qu'un autre monde fait d'opportunités fabuleuses et de milliers de disques à part cher s'ouvre à nous. C'est ce qu'il m'est arrivé hier, quand après avoir récolté quelques gros billets et ventilant quelques centaines de disques dispensables, j'ai eu la brillante idée de contacter un amateur de disques croisé il y a peu en brocante.
Le mec était sympa, et avait annoncé la couleur fièrement : « J'ai 11.000 disques chez moi ! Tu viendrais, tu serais surpris, j'ai tout ! » « Je suis DJ ! Depuis que j'ai 17 ans, je sais ce qui est bon » 
« J'ai plein de trucs qui t’intéresseraient, passe chez moi et jette un coup d’œil »
J'ai pris le numéro, j'ai même poussé le vice jusqu'à demander s'il voulait que j'amène des disques pour un éventuel échange. OK. Lundi, je rappelle, et hop direction la caverne d'Ali Baba et les 11.000 disques, je prends les précautions financières qui s'imposent en emmenant de quoi le raser gratis, et le rêve éveillé commence.

Quand la porte coulissante de son garage s'est ouverte, j'ai franchement halluciné, des étagères impeccables, avec rangés militairement sur toute la longueur de la pièce, en un clin d’œil, j'avais déjà entrevu un Brigitte Fontaine et le bon vieux plot de travaux made in Kraftwerk qui me fuit depuis que j'ai commencé à chiner. Le mec connaît effectivement son affaire, et préfère faire profiter les connaisseurs que les revendeurs. J'ai du mettre a profit les quelques leçons de yoga que j'ai pris il y a quelques années pour avoir l'air vaguement intéressé alors que les trésors défilaient dans mes mains. Je me félicitais déjà d'avoir prévu large au niveau financier, et tel Neukoln, j'ai ramassé pour quelques euros par disques de quoi assurer mon héritage musical et éventuellement me dispenser de brocante pendant quelques années. Je me fouettais intérieurement avec des orties, mais l'orgasme était réel.

Arrivé devant chez lui, le rêve éveillé qui m'avait tenu compagnie pendant tout le trajet s'est interrompu et je suis accueilli avec le sourire par le retraité et sa femme qui devaient attendre depuis le début de l'après-midi quelqu'un pour égayer un peu leur fin de journée. Derrière le salon, une salle dédiée aux platines de DJ, à la sono et au gros son des années 80 nous attend. Des étagères en bois plient un peu sous le poids des nombreuses piles de vinyls, souvent entassés à l'horizontale et dans un état à première vue proche de l'Ohio et à seconde vue plutôt proche de l'Oregon. Il y a un grand portait de Sardou accroché au mur et une autre photo à côté.
« J'étais sosie de Sardou pendant longtemps ! »
Ah oui, c'est vrai, il y a une ressemblance... Sur l'autre paroi, une photo de mon hôte en action, avec les efforts capillaires nécessaires à sa transformation scénique, et la tenue de micro adaptée. J'étais déjà plus ou moins proche du coma musical quand sa femme, charmante au demeurant et qui elle aussi assume sa passion de la musique plutôt axée sur le disco et les années 80 a mis sur platine un 45t qui a achevé sur le champs tous mes espoirs de pêche miraculeuse.
Le temps des rêves était passé, j'étais entré sans préavis dans l'ère de la dissimulation du désespoir. Je ne cherchais plus du regard les 11.000 mais au moins, les 500 trucs un peu bizarres qui devaient se tenir secrètement dans un coin. J'étais perdu dans mes calculs et mes certitudes de n'avoir autour de moi au plus 2.000 disques quand le défilé des compilations flinguées de Johnny a commencé. « Super Rare... Y coûte au moins 50... Y'a des pros qui voulaient me le faire payer plus... Faut s'y connaître avec les éditions ».

…. Episode d'Actor Studio, l'air interessé par l'objet.... « Ah, euh, Hmmmmmmmmmmm, Oula, oui, je l'ai jamais çui-là »

Je tente des « Je préfère laisser ça aux connaisseurs » pour qu'on s'éloigne un peu de cette zone maléfique où il y avait aussi l'intégrale de Frédéric François car « J'ai beaucoup bossé avec lui ». Si il y avait bien quelques disques de classic rock et de Soul valables, il est clair que la princesse s'étaient vite changée en grenouille, et que j'avais de moins en moins envie de l'embrasser... Et pire que tout, mes hôtes semblaient s'être pris d'affection pour moi, et je me demandais comment je pourrais fuir au plus vite. Mais on m'avait déjà amener un coca et mon hôte avait revêtit ses habits de lumière pour nous faire profiter de son art du DeeJeeing. Les grosses enceintes ont sorti du gros son (un super remix des « Démons de Minuit ») avec des basses à vous faire éclater les tympans. Là, au moins, je ne pouvais qu'approuver honnêtement sur la qualité de l'installation, ça envoyait du bois sévèrement. Et tandis que mes oreilles saignaient, mon cœur de chineur était en train de mourir.

Et voilà donc la fin de mes pérégrinations à domicile. Je ne sais pas dire gentiment au gens que 99% de leur collection ne m’intéresse pas. Je ne sais pas leur dire qu'ils se font enfler par des vendeurs escrocs (il avait acheté le week-end dernier un disque super rare de Scorpions pour 20 euros....), je ne sais pas partir les mains vides quand on m'a accueilli gentiment, je ne sais même pas expliquer aux gens la musique qui me plaît en fait ^^.

Donc, retour aux brocantes tardives, au grapillage et au picorage après que les moissonneuses batteuses professionnelles ou motivées soient passées, jusqu'à ce que je croise un autre connaisseur qui possède 11.000 qui me propose de venir chez lui voir sa collection...

[Grognon]

La réalité dépasse rarement le rêve, c'est pour ça qu'il faut continuer de rêver !

PS : au début j'y ai cru putain
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j'ai une charrette pour transporter mon gros machin que j'ai oublié chez mat
et oui, j'ai encore le mot de pass de l'admin - mat

[coltan]

Dur retour à la réalité !! Sympa cette histoire, j'en ai connu une ou deux semblables. Fouillé 1000/1500 disques pour en ramener aucun, cte poisse !

[lou]

Moi j'adore ta prose et ta facon de raconter, toujours un pure moment de plaisir

[Sardequin]

La vache, j'y ai cru aussi, en mode jaloux ! Mais bon la réalité est revenue en plein visage, et ça fait mal !

j'ai eu le même film il y a quelques années, avec le père d'une copine à ma fille, et les disques de son défunt beau père. J'ai vite déchanté, avec en gros une petite centaine de disques seulement, et le seul intéressant avec un Coltrane (Ole) sans sa pochette. Et le coup de grâce quand la belle mère a dit qu'une connaissance brocanteur était déjà venu et avait pris une petite trentaine de disques.
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[lou]

je pense qu'on a tous connu ca plus ou moins... Perso je ne demande meme pas les numeros de telephone ou un rendez vous quand un exposant me dit avoir au moins 3000 disques chez lui... A tort sans doute, et encore... il me reste au travers de la gorge ce fameux lot que j'ai deniche un jour en vide grenier, 200 LP pour 80 euros et quelques merveilles dans le lot, avec un sentiment d'inacheve quand la dame me dit qu'elle n'a pas pu ammener les 45t... Jamais eut le truc de lui demander son numero... et pendant 3/ 4 ans j'ai revasse sur ces 45t, quant un jour au travers d'une discussion, j'apprend que la cousine de ma femme croit savoir le connaitre

Deux semaines apres bingo, j'ai rendez vous, et effectivement c'est la bonne personne, sauf que la, grosse desillusion... tous les 45 t ont pris l'humidite, et de toute facon, c'est principalement de la varietoche 70/80... Pas un 45 t a sauver... Au revoir les illusions de Zorgones, Magma et autres
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Yeah!

[Pablo PiKassiette]

On a fait plus de 400 bornes avec ton1, pour aller voir un gros lot de 10 000 disques, devait y avoir 100 disques potables, on est repartie bredouille
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Gruik!

[pticon]

J'ai le n° de tel d'un ancien DJ récupéré sur un vide grenier. Maintenant j'ai un peu moins envie de le rappeler

[ton1]

[lou]

ouais, c'est clair que parfois, il vaut mieux demander un peu plus de precision
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Yeah!

[coltan]

Personne a connu l'inverse, un plan un peu foireux qui se termine par une véritable mine d'or ?

[Bongo]

j'ai un tête un plan pas trop mal (ou je m'en sors avec quelques bon disques soul jazz) a peu près sur mon trajet taf / domicile : pas de liste, la vendeuse me met la pression : premier arrivé, premier servi. J'arrive sur place, il y avait déjà un gars, l'air assez jeune, il devait un peu débuter.
La vendeuse me dit : bon il a déjà fait une sélection, mais vous pouvez surenchérir, c'est le jeu. Et il reste plein d'autres disques, vous pouvez prendre le tout.
Vraiment la situation de merde qui met en concurrence les acheteurs.
Je regarde les disques restants, un certain nombre me disent (j'ai en mémoire un Donnie Hattaway notamment), je dis au premier acheteur que je toucherai pas à ses disques (code de déontologie).
Et là-dessus arrive un 3ème acheteur, pro cette fois, la vendeuse lui tient le même discours : vous pouvez tout raffler, m'en fous si les deux premiers repartent bredouille.
Il me demande ce que j'ai fait rapport au 1er acheteur. Je lui dis : code de déontologie.
Il dit à la vendeuse : code de déontologie.
Résultat : 2 acheteurs heureux et une vendeuse un peu vénale qui se retrouve avec un tas de merdouille invendable.
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"La coquetterie est une promesse non garantie de coït" Milan Kundera

[lou]

ah oui y'a des gens vraiment a qui t'as pas envie d'acheter des disques
Pour repondre a Coltan, les rares fois où je me deplace, c'est que je sais deja a peu pres ce qu'il y a chiner.
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Yeah!

[sal paradise]

je sais que je suis pessimiste de nature, mais j'en suis revenu des brocantes et des particuliers. Les vrais disques rares, les trucs vraiment, vraiment recherchés, dans des états near mint, c'est pas en brocante qu'on les trouve.
Tu vas trouver un truc bien par ci par là, mais les vrais lots, les vraies collections. c'est pas le même circuit.
Je suis allé en salle des ventes récemment ou un gros lot d'un amateur de jazz de 90 ans était mis en vente. Ba là oui, j'ai vu passer des trucs incroyables, des galettes que t'as jamais vu, que tu ne reverra jamais et qui sont parties à 300€ pièce. des dizaines et des dizaines.

Le "marché" du disque d'occasion c'est une illusion, c'est gagne-petit en fait.
les mecs, et j'en connais, qui ont des collections incroyables, avec 20 000 disques rares, leur collection ba elle ne finira jamais en vide grenier. Les mecs ont pris les devant, informé les enfants, les petits-enfants, les collections sont assurées. Au pire elles finissent en salle des ventes.

Maintenant ça me casse les couilles de me baisser pour ramasser le énième Dark Side of the moon, ou antépénultième The Who.

[Pablo PiKassiette]